lundi 17 octobre 2016

Frankenstein, de Mary W. Shelley,

En expédition vers le pôle Nord, Robert Walton adresse à sa sœur des lettres où il évoque l’étrange spectacle dont il vient d’être le témoin depuis son bateau : la découverte, sur un iceberg, d’un homme en perdition dans son traîneau. Invité à monter à bord, Victor Frankenstein raconte qu’il n’est venu s’aventurer ici que pour rattraper quelqu’un – qui n’est autre que la créature monstrueuse qu’il créa naguère, et qui s’est montrée redoutablement criminelle.
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche.
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« Que ne peut-on attendre d’une région où il fait éternellement jour ? Peut-être découvrirai-je là la merveilleuse puissance qui attire l’aiguille des boussoles. »
P. 64

Immortalisé par Hollywood dans les années 30, Frankenstein a vécu beaucoup d’aventures dans diverses versions. Mais justement, il y a tellement de versions qu’on doute de connaître vraiment l’originale : quelle vie avait réservée Mary Shelley à sa créature populaire ?
La base a toujours été préservée : un homme qui n’est pas né d’une mère et d’un père mais d’un scientifique qui a cherché à découvrir la limite entre la vie et la mort. Qu’en est-il du reste ?

Le portrait de l’auteure.

On oublie un détail important dans cette histoire : les décors. Se déroulant une majorité du temps en Suisse, Mary Shelley a réservé une petite place aux montagnes majestueuses, aux forêts vertes, aux chalets… Et pour une nymphe des montagnes comme moi, j’étais enchantée par ces descriptions : milieux dangereux et impressionnants, elles donnent davantage d’allure aux errances de la créature de Frankenstein.
La beauté est donc portée par ces cadres rudes où la Nature est maîtresse et mettent un point d’honneur à l’étiquette "roman gothique", voire romantique de Frankenstein.

Mary and her creation, par Abigail Larson
Mais plus que des lamentations sous la pleine lune ou des pérégrinations étroites entre des falaises mortelles, Frankenstein offre une vraie réflexion sur un lien père-fils fabriqué de toutes pièces et les relations qui s’achèvent sur des déceptions. Repoussé par son créateur, repoussé par les hommes à cause de sa laideur, la créature de Frankenstein partage aux lecteurs ses questions : l’injustice, les préjugés sur les apparences, le rejet, la solitude… Piège facile, je me suis forcément attachée à cette immonde chose qui n’a ni père, ni mère. Tandis que Vincent Frankenstein avait un comportement assez odieux à côté...
Je regrette un peu que ce personnage ne soit pas plus abouti et que le thème du rejet ne soit pas plus creusé de son côté à lui : à part la laideur de sa créature, il n’y a pas d’autre motif au rejet du créateur pour son expérience.

Les thèmes philosophiques sont donc nombreux : Frankenstein n’est pas une histoire scientifique (fait curieux : l’électricité ou les orages ne sont pas du tout mis en avant et viennent vraiment du mythe revisité par les films), elle est plutôt philosophique. Il ne s’agit pas de science-fiction ou d’horreur monstrueuse : ici, les vrais monstres sont les hommes et pousse à réfléchir bien plus qu’à frémir.
Un avertissement qui évitera peut-être des déceptions car la culture a fait de cette histoire un récit d’horreur où les éclairs déchirent le ciel et la folie scientifique ronge Vincent Frankenstein. Donc vous êtes prévenus, futurs lecteurs : ce roman est sombre dans son thème, pas dans sa représentation et il aborde des sujets sensibles quant à l’existence, le manque d’amour et l’apprentissage dans un monde peu heureux...
Autre chose : la créature parle beaucoup et poliment, rien à voir avec le majordome muet de la famille Addams.

Une très belle histoire avec une plume travaillée et des thèmes bien trouvés : Mary Shelley mérite d’être encore lue aujourd’hui car bien que Frankenstein soit un classique, l’écriture est très accessible et n’a pas pris une ride depuis 1818.
Un roman qu’il faut lire pour sa culture horrifique, bien que le trait a été beaucoup plus accentué dans les films.

Des portraits de la famille : l’épouse, Mary Shelley et la créature.
De magnifiques illustrations signées par Abigail Larson.

Héhé, et oui : l’épouse de la créature aussi est tirée des films, mais puisque la créature réclame une femme à Victor Frankenstein, cela permet de maintenir le doute pour les nouveaux lecteurs... Donc chut~

Grâce à la couverture, je peux rattacher cette chronique à l’idée 33 du Challenge des 170 Idées :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Mary W. Shelley a écrit ce roman lors qu’un voyage avec son mari en Suisse et le couple avait été invité par Lord Byron : le poète avait lancé l’idée de raconter des histoires de fantômes en juin 1816, une « compétition littéraire sur les bords du lac Léman », d’où les décors suisses.
• Le mari de Mary Shelley, Percy B. Shelley, était poète et l’auteure a inclus des extraits de poèmes dans Frankenstein.
• Bourré de références, Le Livre de Poche est une très bonne édition qui laisse des indices et propose un dossier complet.

2 commentaires:

  1. J'ai découvert Frankenstein dans le cadre d'un cours de littérature comparée... Mais je ne sais plus quelle œuvre on lisait en parallèle ^^ J'avais beaucoup aimé mais en effet, j'avais été surprise par une histoire que je trouvais très différente de l'image véhiculée par les films qui traitaient de Frankenstein.

    Finalement, (mais je dis ça sans trop de recherches ni de réflexions) je me demande si la créature créée par le Victor Frankenstein de la série Penny Dreadful n'est finalement pas plus proche de la créature imaginée par Mary Shelley dans le sens où cet homme, qui parle avec une certaine distinction, aime la littérature, la poésie... C'est un personnage défiguré mais romantique, torturé par sa condition et plein de rancune envers son créateur...

    Bref, ça me donne envie de relire le livre tout ça !

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    1. Ah, je n'ai pas encore commencé Penny Dreadful (mais j'adore aussi Eva Green, donc c'est une des raisons qui me motive à le faire) mais j'espère commencer prochainement... Et certainement que cette série s'est montrée fidèle surtout au livre, effectivement ! La description correspond à la créature que Mary Shelley a "inventée".

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