mercredi 23 août 2017

Coldheart Canyon, de Clive Barker,

Star de cinéma sur le déclin, Todd Pickett décide, afin de s’acheter quelques mois supplémentaires au sommet du box-office, de recourir discrètement à la chirurgie. Le résultat, catastrophique, l’oblige à trouver en urgence une demeure à l’écart du feu des projecteurs. Ce sera Coldheart Canion, l’ancienne résidence de Katya Lupi, gloire de l’âge d’or hollywoodien dont on disait qu’elle y donnait autrefois des soirées de débauche très prisées par le gotha mondain. De découvertes étranges en surprises macabres, Todd s’apercevra – à des dépens – que les rumeurs étaient bien en deçà de la réalité.
Quatrième de couverture par J’ai Lu, Fantastique.
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« « Tu n’as qu’à mettre fin à tes jours », me répondit-il. À l’entendre, c’était si simple. « Tranche-toi la gorge. Dieu comprend.
— Il comprend ?
— Bien sûr. Ce monde, c’est l’Enfer Regarde autour de toi. Que vois-tu ? »
Je lui dis ce que je voyais. Le feu, la fumée, la terre noircie.
« Qu’est-ce que je te disais ? répondit-il. C’est l’Enfer. » »
P. 66

Si j’ai commencé à découvrir Clive Barker avec son roman le plus connu, Hellraiser, il ne s’agit pas du plus populaire. Curieusement, j’avais Coldheart Canyon depuis plus longtemps dans ma PAL mais j’avais repoussé la lecture sur plusieurs années... J’ai finalement dévoré cette petite merveille et si Hellraiser n’était pas assez abouti à mon goût, cette seconde lecture vient renforcer mon idée que Clive Barker est un auteur talentueux.

Quand nous lisons du Clive Barker, quand nous lisons du splatter-punk, c’est que nous sommes à la recherche de frissons, d’horreur qui dépasse l’entendement avec en même temps des thèmes très humains. Et l’auteur parvient à nous entraîner dans un monde totalement inconnu où les délires se multiplient à travers les rêves, les visions et les fantasmes. Quelques points de repère sont toutefois nécessaires et le lecteur suit un fil conducteur qui s’affiche d’emblée : la quête de la plastique parfaite, celle que possèdent les grandes stars hollywoodiennes, celle qui, une fois sur pellicule, est à l’abri du temps et ne peut pas être altérée.
Le sujet de l’âge d’or hollywoodien est omniprésent et ce, jusqu’au style littéraire : métaphores et comparaisons tournent autour de cet univers audiovisuel. L’histoire se déroule sur les pages avec autant de fluidité qu’un film se déroule sur une pellicule.

Les étudiants et passionnés de cinéma se régaleront de reconnaître certains visages…
Les lecteurs croiseront Clara Bow, Rudolph Valentino, Mary Pickford ou encore Douglas Fairbanks, 
mais sous quelle forme ?


Avec un thème aussi intéressant, j’ai vite été emportée. Ce thème très humain se mêle au fur et à mesure à un monde occulte et leur association est d’un charme troublant. Il va falloir, comme quand vous êtes face au surnaturel, accepter ce qui échappe à la logique, ce qui surprend et renverse les lois de la nature. Si vous laissez Clive Barker vous prendre par la main, il y a de grandes chances que vous soyez enchanté !
Des moments ont été particulièrement marquants et sont en même temps chargés de poésie quand ils sont beaux ou au contraire, horribles quand la peur et la violence s’en mêlent ! Je pense à une certaine fuite dans l’océan, la mort très fleurie (littéralement) de quelqu’un… Vous découvrirez de beaux passages écrits avec soin.

Une merveilleuse découverte qui marie très bien l’horreur, l’art, les forces démoniaques et la nature humaine. Autant dire que le résultat est curieux mais efficace ! Si tous les éléments vous séduisent, lisez cette perle !

Grâce à la couverture, je peux valider l’idée numéro 30 du Challenge des 170 Idées (c’est une bien belle chaise d’ailleurs) :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Clive Barker a perdu son père alors qu’il commençait à écrire Coldheart Canyon : ce roman était au départ plus bref, finalement, après son deuil, l’auteur a repris le projet et s’est rendu compte que cette histoire s’est amplifiée pour devenir un beau pavé bébé.


lundi 21 août 2017

Journal intime d'un vampire en pyjama, de Mathias Malzieu,

Journal intime tenu durant l'année où M. Malzieu a lutté contre la maladie du sang qui a altéré sa moelle osseuse et la mort personnifiée, Dame Oclès.
Résumé de Babelio.
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Cela fait plus d’un an que j’ai lu ce livre, plus exactement, je l’ai acheté et lu immédiatement sur le chemin du retour en Avril 2016. Sauf que nous sommes en Août 2017 et je n’avais toujours pas écrit de critique pour Journal d’un vampire en pyjama et ce, pour deux raisons : déjà, ce n’est pas un livre classique que l’on peut commenter comme n’importe quelle fiction, ensuite, j’ai un avis mitigé.

Si j’ai aimé la plume de Mathias Malzieu (comme toujours !), admirant les jeux de mots, les métaphores et la poésie des mots choisis, j’ai, ironiquement, pris trop cette histoire à cœur pour vouloir me faire emporter. Bien sûr que l’auteur a besoin de prendre du recul en fuyant une réalité terrifiante avec une imagination d’enfant (comme dans Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi), de mon côté, en tant que lectrice, ce besoin de créer un nouveau monde littéraire alors qu’une maladie menaçait la vie de Mathias Malzieu m’inquiétait : tout le long de ma lecture, je me demandais si l’auteur avait conscience du danger ?
On pourrait partir dans des discussions hautement philosophiques : bien sûr qu’un patient a besoin de fuir la réalité, la technique de l’autruche est courante, un recul avec une pointe artistique n’empêche pas la prise de conscience… Mais c’est malheureusement l’impression que j’ai eu pendant ma lecture, n’arrivant pas à oublier la gravité et ne voulant pas plonger, pour une fois, dans l’imagination de l’auteur.

Forcément, je me doutais que le roman se terminerait bien : Mathias Malzieu est toujours vivant, son besoin de composer ne risquait pas d’être fatal et je me raccrochais à ce point pour me dire que le côté lyrique du roman était finalement nécessaire.
Autre chose sera nécessaire avant de lire Journal d’un vampire en pyjama : lire les autres œuvres de Malzieu, surtout les romans phares comme La Mécanique du Cœur ou Métamorphose en bord de ciel, car certaines références vous échapperont si vous vous lancez dans cette aventure avant les autres.


Enfin bon, je râle, je fais la mère poule ou la fangirl au choix (enfin ça peut être n’importe qui : un proche ou un ami, je l’aurais ligoté pour l’empêcher de travailler) mais j’ai quand même apprécié ma lecture : Mathias Malzieu partage quelques éléments de sa vie et certains moments m’ont émue (la rupture avec Olivia Ruiz, par exemple). Cette autobiographie est très originale, partageant aussi bien un peu de vie privée que d’esprit artistique : le mélange est efficace et charmera les lecteurs.

Un livre donc difficile à commenter car si Mathias Malzieu ne faisait pas la part entre l’homme et l’artiste (mais le devait-il ? Pas forcément), j’ai eu du mal à réconcilier la lectrice qui aime les mots et celle qui se préoccupe de la santé d’un autre. Si je m’en tiens à un commentaire purement littéraire, je peux dire tout de même que la maladie n’a pas réussi à ôter le talent de conteur que possède Mathias Malzieu.
Une belle lecture que les fans du chanteur de Dionysos doivent lire.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• J’étais surprise avec les dates : j’ai rencontré Mathias Malzieu en mai 2014 alors que l’auteur était encore en traitement. Comme quoi, on ne remarque pas toujours quand une personne est souffrante… même si j’avais vu le gel hydroalcoolique, mais comme j’en utilise souvent aussi, hein ! Un vampire maniaque qui en rencontre un autre, c’est comique.


samedi 19 août 2017

Suite Française, d'Irène Némirovsky,

Écrit dans le feu de l’Histoire, Suite française dépeint presque en direct l’exode de juin 1940, qui brassa dans un désordre tragique des familles françaises de toute sorte, des plus huppées aux plus modernes. Avec bonheur, Irène Némivorsky traque les innombrables petites lâchetés et les fragiles élans de solidarité d’une population en déroute. Cocottes larguées par leur amant, grands bourgeois dégoûtés par la populace, blessés abandonnés dans des fermes engorgent les routes de France bombardées au hasard… Peu à peu l’ennemi prend possession d’un pays inerte et apeuré. Comme tant d’autres, le village de Bussy est alors contraint d’accueillir des troupes allemandes. Exacerbées par la présence de l’occupant, les tensions sociales et les frustrations des habitants se réveillent…
Roman bouleversant, intimistes, implacable, dévoilant avec une extraordinaire lucidité l’âme de chaque Français pendant l’Occupation, enrichi de notes et de la correspondance d’Irène Némirovsky, Suite française ressuscite d’une plume brillante et intuitive un pan à vif de notre mémoire.
Quatrième de couverture par Folio.
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« Ils lui parlaient dans leur langue, et [la servante] disait d’un air fier :
— Je comprends-t-y votre charabia, moi ?
Mais au fur et à mesure que les portes ouvertes laissaient entrer un flot sans cesse renaissant d’uniformes verts, elle se sentait grisée, anéantie, sans résistance, et ne réagissait plus que par de faibles cris, des « Non, mais voulez-vous me laisser, à la fin ? En voilà des sauvages ! » aux sollicitations ardentes. »
P. 318

Commencé un an après la sortie du film (mais j’avais découvert le roman en cours, nah) et donc quelques mois après l’attaque du Bataclan. À cause de cet événement, je n’avais pas eu le cœur de vraiment entrer dans Suite Française : ce roman est authentique historiquement parlant et la peur que transmet Irène Némirosky faisait écho à celle qui été communiquée par les médias.
À la place, j’avais préféré me plonger dans le second tome du Paris des Merveilles pour m’enfuir dans une ville féerique.
Mais j’ai repris ma lecture avec un autre état d’esprit et j’avoue que j’ai beaucoup aimé, quoiqu’un petit peu déçue : il s’agit d’un roman inachevé et ça se sent, car il n’a ni début, ni conclusion et laisse un peu une impression d’essai. Écrit pendant l’Occupation allemande, Irène Némirovsky ne pouvait bien évidemment pas avoir le même recul que les auteurs qui ont survécu à cette période : pas de date, pas de situation très explicite, pas d’événement historique. Suite Française est un témoignage émotionnel avant tout.

Forcément, cette émotion est ce qui est le plus authentique dans ce livre : les français, effrayés et traqués, cherchent à fuir, à survivre quitte à se marcher dessus. C’est l’ambiance de la première partie intitulée Tempête en Juin. Quant à la seconde partie, Dolce, est plus mélancolique : l’ennemi s’est imposé avec ses grosses bottes et son costume austère et les français doivent faire avec. Pourtant, la cohabitation existe et Némirovsky porte un regarde presque bienveillant sur les opposants, ébauchant même une idylle pudique et tragique. Une initiative osée pour l’époque et attendrissante : même une femme de l’époque avait compris que les soldats nazis étaient plus que des uniformes et n’adhéraient pas forcément au mouvement lancé par Hitler.
Les événements, perçus par les civils et les soldats qui parcourent la ville, offrent un point de vue différent de celui des champs de bataille. Quoiqu’on rencontre un tout autre combat.

Un roman difficile à lire avec son authenticité, son témoignage nuancé… Mais qu’on peut apprécier grâce à la plume soignée d’Irène Némirovsky, attentive car capable de dépeindre le monde et la nature humaine.
Une lecture à placer entre toutes les mains qui cherchent des livres sur la Seconde Guerre mondiale, mais je vous conseille aussi vivement Seul dans Berlin !

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il y a également tout un roman autour de Suite française : Irène Némirovsky, d’ascendance juive, a été ciblée par le régime nazi. L’auteure avait écrit son roman mais ne l’avait pas achevé et encore moins publié à cause des restrictions, son origine juive étant connue et ce, malgré un baptême catholique le 2 février 1939. Le 13 juillet 1942, Irène Némirovsky se fait arrêter par la gendarmerie et part, le 17 juillet, pour Auschwitz-Birkenau. "Par chance", elle décède un mois plus tard du typhus ou de la grippe (il y a exactement 75 ans aujourd’hui en fait). Mais son mari, Michel Epstein, ignorant son décès, tente de la faire libérer. Attirant l’attention sur lui, il se fait également arrêter pour être déporté à Auschwitz et y sera gazé le 6 novembre 1942.
Si Suite Française est publié aujourd’hui, c’est grâce aux deux filles de l’auteure qui retrouvent le manuscrit dans une valise à la fin des années 1990.
• Irène Némirovsky reçoit le prix Renaudot en 2004 pour Suite Française à titre posthume.
• Un petit détail que j’aime bien qu’il soit très anodin : le titre anglais n’a pas été traduit et les éditions anglophones portent aussi "Suite Française".


vendredi 18 août 2017

Walhalla, de Graham Masterton,

Craig et Effie Bellman sont tombés sous le charme de Walhalla, une superbe demeure dans la vallée de l'Hudson. Qu’importe ce que l’on peut raconter sur l’ancien propriétaire, Jack Bélias, milliardaire excentrique et joueur invétéré, qui se serait suicidé dans des circonstances mystérieuses en 1937 ! Qu’importe si la maison est en ruine ! Ils ont décidé de l’acheter et de la restaurer.
Mais, bientôt, des phénomènes étranges commencent à se produire. Craig lui-même est en train de changer. Comme si la personnalité démoniaque de Jack Bélias prenait par moments possession de lui.
Résumé trouvé sur LivrAddict.
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« Gut ist der Schlaf, der Tod ist besser. »
P. 85

J’ai préféré reprendre le résumé que la fiche sur LivrAddict propose car la quatrième de couverture de mon édition en dévoile trop. Alors certes, certains me diront « mais c’est le schéma classique : un couple qui traverse une phase difficile tente de prendre un nouveau départ avec une magnifique demeure qui est dans leurs moyens et patatra, un fantôme/démon/esprit prend possession du mari qui devient odieux et tente d’assassiner sa femme ».
Ouais, ok, c’est une trame vue, revue et rerevue. Mais premièrement : c’est mon point faible, c’est typiquement une histoire qui s’inscrit dans le gente splatterpunk et je marche à tous les coups, deuxièmement : certains rebondissements surprennent et n’ont pas besoin d’être dévoilés dans le résumé, l’histoire connaîtra une évolution que les lecteurs ne pourront pas vraiment prédire, c’est l’avantage d’une histoire de fantômes : l’imagination de l’auteur et ses interprétations font que Walhalla se démarque des autres histoires d’horreur.

Ce qui compte finalement dans ce genre littéraire, c’est l’atmosphère et celle de Walhalla est tendrement mijotée avec précision par Graham Masterton, enrobée par des théories spirituelles originales et qui concernent les fantômes et les démons. Avec tout ce soin, le secret de la demeure nommée Walhalla est bien conservé et sera coriace à vaincre.

Au milieu de ce drame, les acteurs sont assez étranges : Effie Bellman m’a touchée dans sa condition de "Madame Craig Bellman" à l’ancienne où la femme soutient et se tait. Je me souviens d’une critique sur GoodReads qui reprochait un côté franchement misogyne dans Walhalla : si je comprends cette impression, je ne suis pourtant pas entièrement d’accord. Certaines réflexions peuvent blesser, notamment un passage où un homme explique que « si une femme reste avec un homme qui la bat, c’est qu’elle se sent exister à travers ces coups » (bon, la critique dit que ce n’est même pas quelqu’un de détestable qui sort ça, moi, je le trouvais plutôt désagréable et dérangé en fait…). Mais cela ne vaut pas pour autant dire que Graham Masterton est macho et réduit les femmes plus bas que terre, d’autant plus que les hommes dans le roman ne renvoient pas une très belle image non plus. D’ailleurs, aucun ne m’a réellement séduite.
Dans Walhalla, les hommes ont soif de pouvoir et se servent des femmes, tandis que les femmes sont à la recherche de liberté tout en étant tiraillées par leur amour pour épauler leur époux. Mais certains personnages évolueront et Effie Bellman deviendra de plus en plus intéressante. Ne vous laissez pas refroidir et retenez surtout qu’il s’agit d’un roman d’horreur qui vire vers le sale et ni les hommes, ni les femmes sont là pour être plaisants. Quoiqu’il y a Pepper Moriarty qui est sympathique !


Un récit d’horreur très sympa qui possède des moments douloureux et terrifiants, le final est assez explosif et je ne regrette pas cette lecture qui ravira aussi les amateurs d’horreur des années 80 et 90.

Grâce aux flammes, je valide l’idée 143 du Challenge des 170 Idées :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Le livre n’est actuellement plus édité : les liens proposés ci-dessous sont donc des livres d’occasion, vérifiez bien les prix !

mercredi 16 août 2017

La Voix Secrète, de Michaël Mention,

Durant l’hiver 1835, sous le règne de Louis-Philippe, la police enquête sur des meurtres d’enfants. Tous les indices orientent Allard, chef de la Sûreté, vers le célèbre poète et assassin Pierre-François Lacenaire. Incarcéré à la Conciergerie, ce dernier passe ses nuits à rédiger ses Mémoires en attendant la guillotine. Alors que les similitudes entre ces crimes et ceux commis par Lacenaire se confirment, Allard décide de le solliciter dans l’espoir de résoudre au plus vite cette enquête tortueuse. Entre le policier et le criminel s’instaure une relation ambiguë, faite de respect et de manipulation, qui les entraînera tous deux dans les bas-fonds d’un Paris rongé par la misère et les attentats.
Un roman historique inspiré des derniers jours du célèbre Lacenaire, signé par une étoile montante du roman noir français.
Quatrième de couverture par 10|18, Grands détectives.
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« – Expliquer… c’est la mode. À trop réfléchir le crime, on risque de le rendre acceptable. »
P. 74

J’avoue que, malgré ma passion pour la criminologie, je n’avais jamais entendu parler de Pierre-François Lacenaire. Pourtant, il était aussi connu à la moitié du XIXème siècle que l’est Emile Louis aujourd’hui. À la différence près que Lacenaire a divisé l’opinion publique et que d’autres écrivains l’ont défendu, décrit comme un visionnaire, un génie, époque du romantisme oblige : Pierre-François Lacenaire était un meurtrier, mais aussi un poète. Et ses actes révoltants, qui ont ébranlé la société, ont plu à des auteurs comme Baudelaire ou Théophile Gautier.
Forcément, avec la découverte de ce personnage, je voulais lire La Voix Secrète.

La Voix Secrète est un savant mélange d’Histoire et de thriller. "Thriller", ai-je bien écrit "thriller" ? Oui, car si vous voulez un vrai policier avec un crime, des victimes, un/des coupable/s et une enquête pour démêler tout ça, La Voix Secrète n’est pas pour vous. L’horreur réaliste prend le pas sur la réflexion, le récit transmet la peur d’une menace, d’un tueur qui rôde. Les indices n’ont finalement que peu d’importance et la conclusion sera bien différente d’un Agatha Christie ou d’un Anne Perry.

J’avoue avoir été surprise mais je n’ai pas détesté grâce aux personnages : ils sont pudiques et à peine effleurés par la plume de Michaël Mention, et pourtant, ça suffit pour les découvrir et les connaître. Ironiquement, c’est Pierre-François Lacenaire qui m’a le moins touchée, à l’inverse de Canler que j’ai absolument adoré.
Michaël Mention, entendez-moi, si vous hésitez à écrire un autre roman avec de nouveau Canler et Allard, allez-y, allez-y, allez-y, je me jetterai dessus. Suite ou préquelle, je prends.
La Voix Secrète parle surtout des préoccupations d’hommes vivant en 1835 : la monarchie bancale que mène Louis-Philippe Ier, la lutte incessante des classes, la pression sur les forces de l’ordre quand des corps sont découverts, l’addiction… Si vous cherchez un saut vers Décembre 1835, le roman vous offrira ce voyage temporel avec quelques traits exagérés, certes, mais qui contribuent à l’atmosphère glaçante.
Il y a même un moment assez effrayant, vous reconnaîtrez le passage si je vous dis : « très froid pour conserver la viande ».

Pas une histoire qui fera fonctionner vos méninges à toute allure, mais un roman historique qui semble authentique et qui appelle à la réflexion. Je n’aurais pas craché sur une centaine de pages en plus non pas pour la fin de l’énigme mais pour profiter davantage de la présence de Pierre Allard et son ami Canler.
Donc je réitère ma prière : entendez-moi, un nouveau roman avec ces deux personnages très prometteurs !

Murder in the House (1890) de Jakub Schikaneder.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il y a un véritable travail autour des mémoires de Pierre-François Lacenaire (qui existent vraiment et que vous pouvez lire) : à travers La Voix Secrète, on peut en découvrir des extraits et l’hypothèse, fort plausible, de l’auteur comme quoi les mémoires ont été trafiquées avant d’être publiées. Reste à savoir si un jour les experts pourront avoir la version authentique des mémoires d’un meurtrier dandy.

mardi 15 août 2017

Macbeth, de William Shakespeare,

Le général écossais Macbeth revient du combat où il a vaillamment défendu son seigneur Duncan quand, en pleine lande, trois sorcières apparaissent et lui annoncent qu'il deviendra roi. Lorsque Duncan lui rend visite pour le récompenser de sa bravoure, Macbeth, hanté par la prédiction des sorcières et poussé par sa femme, tue son hôte et s'empare du pouvoir. En proie au remords, le couple sombre peu à peu dans la folie...
Quatrième de couverture par LivrAddict.
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Aux côtés d’Hamlet, Le Songe d’une nuit d’été et Roméo et Juliette, Macbeth est une des pièces les plus connues de William Shakespeare. Malheureusement, elle ne fera pas partie de mes préférées…

Influencée par les représentations modernes et populaires, je me faisais une toute autre idée de Macbeth : quelque chose de plus sanglant, de plus violent, de plus perfide. Mais malgré la présence des trois sorcières et de l’intrigue où tout n’est que tromperie pour dévier vers le meurtre, Macbeth est surtout une pièce où la politique occupe une grande place. Hors, la politique n’est jamais aussi mal expliquée que dans une pièce de théâtre où il faut connaître suffisamment le contexte pour pouvoir se passer d’annotation. Et c’est sans compter le côté "propagande" de la pièce, similaire aux autres œuvres de Shakespeare et qui échappe quelque peu aux lecteurs du XXIème siècle.

The Three Witches from Macbeth (1775), par Daniel Gardner et ses modèles : 
Elizabeth Lamb, vicomtesse de Melbourne, Georgiana, la duchesse du Devonshire et Anne Seymour Damer.

Certains points sont réellement captivants : la présence d’une prophétie, la loyauté des hommes à l’épreuve… Mais une telle histoire prendrait de meilleures ampleurs sous la forme d’un roman. Et je donnerais cher pour une réécriture ! Enfin, on ne touche pas au Grand Shakespeare et ce vœu ne risque pas d’être réalisé, mais je peux toujours me raccrocher aux adaptations car le récit est intéressant. C’est juste navrant que le format théâtre ne lui rende pas hommage. J’étais bien plus captivée par Richard III par exemple, que je conseille.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Macbeth est la tragédie la plus courte écrite par Shakespeare. Et ça se sent, quelque part !
• Pour sa pièce, Shakespeare s’est appuyé sur les Chroniques de Raphael Holinshed qui retracent l’histoire des Îles Britanniques. Mais le dramaturge en modifie certains aspects, par pression ou par choix, par exemple : Banquo, innocent injustement assassiné, est un ancêtre de la maison Stuart, une maison à laquelle appartient Jacques Stuart, dit aussi Jacques VI roi des Écossais à partir de 1567 ou encore Jacques Ier roi d’Angleterre et d’Irlande à partir de 1603. Renvoyer une mauvaise image de la maison Stuart aurait raccourci Shakespeare d’une bonne tête...


mercredi 9 août 2017

Les Oiseaux se cachent pour mourir, de Colleen McCullough,

L’histoire commence en 1915 et s’achève à la fin des années 1960. La famille Cleary originaire de la Nouvelle Zélande émigre en Australie pour faire fructifier un domaine où se pratique l’élevage du mouton et qui appartient à la riche sœur de Paddy Cleary, le père de famille. Une épique superbement rendue où s’acharnent les passions des personnages avec comme fil conducteur les amours tragiques de l’héroïne Maggie pour le magnifique prêtre Ralph de Bricassart lié à jamais au sort de l’exploitation du domaine.
Résumé repris sur LivrAddict et modifié par le Vampire Aigri.
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« Pour [Paddy], la religion était chaleur et consolation ; pour les siens, elle représentait un élément enraciné dans la peur, l’astreinte à une ligne de conduite dont ils ne pouvaient dévier sous peine d’être damnés. »
P. 103


Roman le plus vendu d’Australie, Les Oiseaux se cachent pour mourir talonne de près Autant en emporte le vent niveau succès romances. Un succès qui n’a pas été aussi franc chez moi que dans le reste du monde : les mauvaises langues diront que c’est parce que j’apprécie peu la littérature de romances, la vérité est que je m’attendais un peu à autre chose.

Une belle histoire d’amour, ça, je m’y attendais, et au début, je l’ai trouvée très tendre. Pudeur et douceur sont au rendez-vous entre cette jeune fille, Meggie Cleary, et ce prête qui a dix-huit ans de plus, Ralph de Bricassart. Je ne vais pas vous mentir : il y a des relents de pédophilie au début du roman, mais avec du recul, Ralph témoignait plutôt de la pitié comme une enseignante porterait à un petit favori doué mais incompris par ses propres parents. Maintenant le livre terminé, je suis moins choquée par cette relation qui évolue : elle démarre comme un amour paternel avant de devenir un amour réellement sensuel.
The Thorn Birds par JustAnoR
Il y a de beaux moments et ils auraient été nombreux si Meggie n’avait pas gâché la fin de ma lecture. Obsédée par l’idée d’avoir des enfants, égoïste voire perfide à certains moments, j’ai été assez refroidie par cette petite rousse que j’appréciais.
Quant à Ralph, sans en être tombée amoureuse comme beaucoup de lectrices, je l’ai trouvé quand même très intéressant ! J’aurais aimé voir davantage de réflexions sur l’opposition entre l’amour dédié à Dieu et celui accordé à une femme.

C’est finalement ça qui m’a manqué le plus dans Les Oiseaux se cachent pour mourir : je ne suis peut-être pas fan de romance, pourtant, je n’aime rien de plus que les histoires d’amour quand un membre du clergé est impliqué. On comprend que l’amour entre Meggie et Ralph de Bricassart sera très difficile à cause du rôle de prêtre de cet homme, mais l’auteure s’arrête là alors que l’atmosphère religieuse aurait pu être plus accentuée.
Si Le Moine est une histoire très différente, il y a le thème de la tentation, la peur face à l’autorité, l’orgueil, la petitesse de l’homme face au divin/occulte… Ici, la fonction de Ralph semble juste servir d’obstacle. Le sujet mériterait d’être creusé davantage.

Plutôt que de s’étendre sur ce thème, Colleen McCullough préfère décrire les horizons, la végétation, les acteurs alentours… Le roman fait voyager jusqu’en Australie et on imagine sans peine ses saisons arides, sèches, tourmentées, sa faune grouillante, son peuple rustique. Quelques passages nous amènent également en Europe, faisant découvrir le Vatican, Londres…
Les descriptions dérangeront les lecteurs peu férus de la plume observatrice, mais la fluidité est là et aide à digérer ces nombreux blocs de décors. Mais je reconnais que le livre fait une centaine de pages de trop, de plus, certains personnages sont totalement occultés (voire oubliés) alors qu’ils méritaient leur place dans la conclusion pour finir en beauté, des détails manquent dans une seconde partie assez vide…

Ce n’est pas un roman que j’ai détesté, loin de là, mais je m’attendais à mieux vu le succès qui l’entoure. J’espère tomber sur une autre romance qui concerne un prêtre ou un moine plus aboutie sur le plan religieux.

« Elle leva la tête, essaya de compter les étoiles, et y renonça ; aussi délicats que des gouttes de rosée sur une toile d’araignée, les points lumineux s’embrasaient, disparaissaient, s’embrasaient, disparaissaient, en une pulsation aussi éternelle que celle de Dieu. »
P. 321 – 322

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Comme précisé au début de la chronique, Les Oiseaux se cachent pour mourir est le roman australien le plus vendu au monde.
• Le titre original est The Thorn Birds, faisant écho à une légende d’un oiseau au chant spectaculaire mais éphémère car il ne chante qu’en mourant, s’empalant sur des épines. Les titres Les Oiseaux d’épines, Les Oiseaux sur les épines, Les Oiseaux épineux sont moins glamours, mais c’est surtout que le titre cache une référence au poème de François Coppée :
Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois,
A la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois,
Pendant les tristes jours de l’hiver monotone
Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne,
Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes.
Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?