jeudi 30 juin 2016

Fahrenheit 451, de Ray Bradbury,

451 degrés Fahrenheit représentent la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume.
Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres dont la détention est interdite pour le bien collectif. Montag, le pompier pyromane, se met pourtant à rêver d’un monde différent, qui ne bannirait pas la littérature et l’imaginaire au profit d’un bonheur immédiatement consommable.
Il devient dès lors un dangereux criminel, impitoyablement pourchassé par une société qui désavoue son passé.
Quatrième de couverture par Folio, SF.
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Quand on s’intéresse énormément aux livres, on passe par quelques pensées philosophiques : l’utilité de la littérature (surtout pour vous justifier si vous avez passé un bac L et que des proches vous méprisent pour ça), la motivation d’un écrivain, si les livres ont besoin d’un message à faire véhiculer… Fahrenheit 451, lui, aborde l’idée d’un monde où une société s’est débarrassée des livres, préférant la vitesse, la violence et l’action. Pas de place pour la pensée, pas le temps de se poser… La société selon Ray Bradbury si elle se laisse corrompre par les illusions et qu’elle n’a plus besoin de réfléchir.
S’inscrivant véritablement dans la tradition science-fiction, Fahrenheit 451 n’est pas un roman qui fait peur mais qui réveille, il ne noue pas les tripes, il secoue les esprits.
(Oui parce que les sujets de science-fiction me font soit très peur, soit chialer beaucoup trop. D’un côté on a 2001, l’Odyssée de l’espace et de l’autre, L’Homme Bicentenaire ou Intelligence Artificielle. Camarade, choisis ton camp.)


J’ai entendu beaucoup de critiques excellentes sur cette œuvre connue de Ray Bradbury, et je dois reconnaître que beaucoup sont méritées car j’ai beaucoup aimé cette histoire, c’est une réussite.

La réussite de Fahrenheit 451 réside dans l’ambiance : la brièveté fait que ce nouvel univers n’est pas pleinement exploré, Bradbury sélectionne l’essentiel et reprend des éléments bien connus. Les promenades, la nature, les palettes de couleurs du ciel, les lectures au soleil ou au coin du feu… Si Ray Bradbury a vu le futur, vos arrières-arrières-petits-enfants ignoreront tout de ces petits plaisirs quotidiens et ça rend le roman d’autant plus horrible… et le personnage de Clarisse si touchant.
Le roman s’ouvre sur la rencontre de Clarisse, jeune fille jugée anormale car passant son temps à réfléchir au sens de la vie et s’arrêtant pour en admirer chaque trésor, et Guy Montag, pompier fidèle à son époque et dont le job n’est pas d’éteindre les incendies mais d’en créer chez chaque rebelle possédant quelques livres interdits (c’est-à-dire à peu près tous les livres existants).
Pourtant, j’ai repéré un défaut dès le début de cette lecture : tout allait beaucoup trop vite. Guy Montag bascule assez vite du côté rebelle, [spoiler] bien qu’on apprenne qu’il commençait déjà à rejoindre le côté obscur de la force depuis quelques temps en fait. [/fin du spoiler] Un début qui démarre un peu rapidement et avec quelques facilités.


Finalement, on aperçoit des personnages plus complexes que ça : des noms choisis avec précision, des dialogues propres à chacun, des désirs pour lesquels chacun doit lutter : préserver les imbéciles heureux de la dure réalité ou faire revenir le peuple aux anciennes valeurs, au respect de chacun et surtout, à la liberté de penser et de s’exprimer.

Si le roman peut paraître surréaliste, les messages disséminés dans le récit sont très parlants : vous avez tous dans votre entourage quelqu’un qui n’aime pas lire, qui n’aime pas se cultiver (et qui est bien souvent d’une stupidité affligeante), avec une mentalité que vous ne souhaitez pour rien au monde voir se propager autour.
Fahrenheit 451 met en évidence cette crainte et en accentue tous les points.

Caricature de l’auteur.

Une œuvre classique à lire pour en découvrir la philosophie et partager l’amour des livres, l’amour de cette expression qui a traversé les siècles et qui a aidé l’homme. De plus, la plume de Ray Bradbury est travaillée et la conclusion est très satisfaisante.
Une excellente histoire pour tous les passionnés de littérature.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
Fahrenheit 451 a gagné le Prix Hugo du meilleur roman en 1954, un prix qui concerne les romans de science-fiction et fantastique.

mercredi 29 juin 2016

Héros ou Couple inoubliables [11],

              

Organisé par Cassie56, le rendez-vous hebdomadaire Héros ou Couple Inoubliables permet de laisser une trace, un article à propos d’un personnage héroïque ou d’une romance qui vous a marqué, ému ou ravi en répondant à trois questions.
Aucun jour n’est fixé, mais j’ai opté les mercredis pour mon blog.



La chronique est toute fraîche mais je vous remémore ma fascination pour le personnage de Dolores Claiborne, une "anti-héroïne" pourrait-on dire :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2016/06/dolores-claiborne-de-stephen-king.html

    → Pourquoi ce personnage ?
Il y a beaucoup de personnages chez Stephen King que j’adore : je pense par exemple à Louis dans Simetierre qui est à mon avis une véritable réussite. Cet auteur est doué pour dresser des portraits lambda, des messieurs-tout-le-monde entraînés dans des histoires macabres et surréalistes : on s’y attache sans difficultés.
Récemment, c’est Dolores Claiborne qui a été frappante : une femme comme on pourrait en attendre de Stephen King avec un caractère bien trempé comme celui de ses frères littéraires (Alan Pangborn, tu n’as qu’à bien te tenir) et au destin particulier.
Un personnage féminin convaincant et original.
    → Est-ce le personnage principal ?
Oui, le roman est même construit sur un unique monologue.
    → Quel aspect particulier du personnage vous a tant plu ?
On connaît plein d’histoires de femmes battues, violées ou détruites par un homme de leur entourage. Ces femmes m’émeuvent toujours, sans compter que j’ai toujours un faible pour les histoires où la victime devient le bourreau, le gibier devient le chasseur car ce sont toujours des retournements de situation impressionnants, en plus de demander un travail sur la psychologie du personnage.
Le personnage de Dolores Claiborne réunit ces traits que j’apprécie tant : elle n’est pas une femme qu’on pourrait admirer pour ses bonnes actions (c’est loin d’être un ange) ou pour sa candeur, c’est une femme qu’on pourrait admirer pour son courage et sa détermination.
Sa relation d’amour/haine avec sa patronne Vera Donovan ajoute beaucoup de piment dans le récit tandis que celle très complexe avec sa fille Selena est très émouvante.
Complexe et réaliste, ces deux aspects font que Dolores Claiborne est un personnage touchant.

lundi 27 juin 2016

Dolores Claiborne, de Stephen King,

Dolores Claiborne est un thriller psychologique, quasiment dépourvu de tout élément surnaturel, qui retranscrit le long témoignage de Dolores Claiborne interrogée par la police car elle est suspectée du meurtre de sa riche employeuse. Si elle s’innocente de celui-ci, elle avoue celui de son mari, près de trente ans plus tôt. 
Quatrième de couverture repris et modifié de Wikipédia.
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Les critiques aiment avancer l’argument vendeur ultime : le livre qui vous prive de sommeil, le livre impossible à lâcher…
Sauf que, me concernant, quand je tombe de fatigue et que mon cerveau déconnecte doucement mais sûrement, le plus palpitant des thrillers ne pourra rien faire pour moi et j’éteins ma lumière. Par contre, je dois avouer que les audiobook permettent de "lire" jusqu’à pas d’heure tout en faisant abstraction des yeux qui piquent.
Et Dolores Claiborne a été efficace comme une flèche en mode furtif dans Skyrim quand votre personnage est à 100 en discrétion. Maintenant je le sais : j’aime lire du Stephen King. J’aime écouter du Stephen King.


Dolores Claiborne, ce n’est pas l’histoire d’une invasion de vampires, ni d’un mortel hanté par une entité diabolique. Dolores Claiborne a quelques relents de surnaturel, mais rien de plus que lorsque vous faîtes un rêve prémonitoire ou quand vous avez une très forte impression de déjà-vu, car ce qui est mis en avant, c’est surtout l’histoire d’une femme très complexe. On avait les anti-héros masculins, on a maintenant les versions féminines et ces braves femmes sont dotées du même charisme poignant.
Les personnages gagnent surtout en richesse grâce aux relations que l’auteur tisse : celle qu’il y a entre Dolores Claiborne et Vera Donovan est fantastique et ajoute tout le piment au roman. Cet amour-haine qui reste ambigu au long de toutes ces années, qui fait des deux femmes les meilleures amies mais aussi d’amères ennemies. J’ai détesté et adoré à plusieurs reprises cette vieille peau de Donovan : ses crises, ses caprices et ses conseils…
Quant à Dolores Claiborne, je l’ai totalement adorée : ses malheurs, son courage et sa détermination en font une femme assez admirable et il y a longtemps que je n’avais pas autant admiré une protagoniste comme ça. En plus d’avoir les petits soucis quotidiens de n’importe quelle femme (ou de n’importe quel être humain, en fait) entre les prises de poids, l’angoisse pour ses enfants qui grandissent et la vieillesse qui guette. Avec tout ça, Dolores est aussi une femme battue, une femme liée à un homme malsain.


Quand on aime le personnage, la lecture n’en est que plus facile malgré le style narratif assez particulier : le roman est en fait un long monologue de Dolores Claiborne. Elle raconte son histoire, avoue ses crimes, en dément d’autres, partage des confessions pour la première fois. Si faire parler un personnage de la sorte est un exercice difficile, Stephen King relève le pari avec talent : le vocabulaire est choisi avec soin avec en plus cette subtile oralité qui fonctionne. Le personnage vit à travers son discours.

Beaucoup plus réaliste que les grands classiques du King, Dolores Claiborne n’est pas vraiment un roman avec une trame surnaturelle, en revanche, les symboles superstitieux sont nombreux et donnent une allure sacrée à l’histoire de cette femme. C’est sur ces détails que repose une atmosphère fantastique mais ils peuvent être pris au premier degré ou au second par le lecteur. Ici, l’auteur nous laisse interpréter et son roman sera classé selon les suppositions de ses lecteurs.

À la fois très émouvant, cruel et intense, Dolores Claiborne est un surprenant mélange de tristesse et de peur : beaucoup de lectrices seront certainement touchées par cette histoire très féminine tandis que les lecteurs seront surpris par ces relations d’amour/haine qui unissent ces trois femmes bien différentes.
Pour ceux qui veulent tenter l’audiobook des éditions Theleme, vous pouvez y aller sans crainte : Élodie Huber qui prête sa voix offre une narration très convaincante.
Un très, très bon roman de Stephen King.

Certaines adaptations de Stephen King sont très moyennes, voire carrément mauvaises, mais Dolores Claiborne, sorti en 1995, est très correct et rien que pour la prestation de Kathy Bates (qui joue l’effrayante Annie Wilkes dans Misery), le film vaut le coup d’œil.
Un personnage intéressant pour une actrice talentueuse.  

Avec la couverture utilisée par Theleme, je peux rattacher cette chronique à l’idée 156 du Challenge des 170 Idées :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Theleme propose aussi une édition avec trois romans audiobook, réunissant Dolores Claiborne, Misery et Christine.

samedi 25 juin 2016

A.B.C. contre Poirot, d'Agatha Christie,

Bien sûr, la retraite a ses charmes… Cependant, Hercule Poirot ne peut s’empêcher, de temps à autre, de reprendre du service, à condition, bien sûr, qu’il s’agisse d’une affaire hors du commun. Et quelque chose lui dit que cette curieuse lettre signée A.B.C. risque de stimuler ses petites cellules grises…
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche.
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J’attendais cette confrontation avec beaucoup de hâte : Poirot contre un tueur prétentieux et qui s’adresse au célèbre détective belge, on ne voit pas ce schéma dans tous les Agatha Christie et on a presque un thriller plutôt qu’un policier ici, à l’opposé du whodunit classique.


Si vous avez déjà lu plusieurs romans avec Hercule Poirot, la chanson peut vous paraître redondante : empoisonnements fourbes mais radicaux, héritages qui agitent les convoitises, infidélités pimentées de jalousie meurtrière, suspects innocents alors que les sourires timides sont accrochés aux visages des assassins.
Bref, on connaît les ingrédients de la recette et certains se lassent peut-être du menu de la Reine du Crime. Si vous vous lassez de ces caractéristiques qu’affectionne Agatha Christie, je vous conseille quand même de laisser une chance à A.B.C. contre Poirot car ce tome a le mérite d’être original !

La construction et la poursuite du coupable changent radicalement des autres enquêtes du détective belge : le tueur a des idées surprenantes et son évolution est assez étonnante, de quoi déstabiliser Hercule Poirot, ses compères et les lecteurs. J’ai beaucoup aimé l’avancement bien que je reproche une lenteur très appuyée : le récit piétine à de nombreuses reprises et j’ai marqué plusieurs pauses par ennui.
Mais persévérer vaut le coup car, comme la majorité des autres enquêtes de la Reine du Crime, la conclusion est assez inattendue et personnellement, je n’avais rien vu venir malgré quelques doutes concernant la "simplicité" apparente qui s’affiche dès le début.
Les grands lecteurs christiens le savent déjà : la dame anglaise n’aime pas faire dans le commun ou le simple et s’arrange toujours habilement pour piéger ses fidèles.


Un tome que je conseille plutôt aux lecteurs avides de Christie pour mieux savourer comment A.B.C. contre Poirot se démarque de ses semblables : sans être extraordinaire, il apporte pas mal d’originalité.

Grâce à la couverture, je peux rattacher cette chronique à l’idée 141 du Challenge des 170 Idées :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Pour les amateurs de jeux d’enquête, ABC contre Poirot a été récemment adapté en point’n’click : sorti en Février 2016, le jeu The ABC Murders a reçu des avis mitigés, mais on peut peut-être espérer que ce soit le premier opus d’une série digne de celle que Frogwares dédie à Sherlock Holmes.

mercredi 22 juin 2016

The Witcher 2 : Assassins of Kings,

Cela fait un mois que la rébellion fomentée par l’Ordre de la Rose Ardente a été arrêtée et qu’on a tenté d’assassiner le Roi Foltest.
Geralt est devenu l’une des figures centrales du tumulte politique dans le Royaume de Téméria et a continué à protéger le Roi durant sa mission pour restaurer la paix dans le pays. La seule tâche qui reste est de pacifier le château rebelle de la baronne La Valette, qui a annoncé sa sécession du Royaume.  
Mais Geralt, coincé avec Foltest, ne peut pas commencer sa quête personnelle : découvrir l’identité et l’origine du mystérieux assassin aux allures de sorceleur, responsable de la tentative d’assassinat de Foltest. Une quête qui répondrait à de nombreuses questions et lui permettrait de retrouver la mémoire…
Résumé (modifié) depuis larticle Wikipédia – Extrait du dossier de presse de mars 2010.
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La franchise du Sorceleur (ou The Witcher pour les anglophones) n’a pas vraiment percé grâce à ses excellents romans ou son premier jeu plein de bonnes surprises : c’est surtout Witcher 2 : Assassins of Kings qui a ouvert les portes du monde à Geralt de Riv, entraînant le sorceleur plus loin qu’en Pologne, son pays berceau.

Connaissant déjà le monde construit par Sapkowski, j’étais très heureuse de revenir en terres témériennes et les personnages qui vivent dans ces contrées où les monstres ne sont pas de simples légendes. D’ailleurs, le jeu reste ici fidèle au roman de base : le chasseur de monstres accumule les contrats pour supprimer les créatures les plus nocives mais se retrouve malgré lui entraîné dans des intrigues de cour. On peut vite constater que la citation homo homini lupus trouve toujours une place au chaud dans l’univers du Sorceleur : The Witcher 2 lui réserve donc aussi une importance capitale.


Ce concept permet de rencontrer des personnages particulièrement intéressants, bien plus complets que dans le premier Witcher : des rois avec des défauts, des elfes toujours aussi en colère, des soldats avec des buts privés et des sorcières tout en sensualité et aux intentions troubles. Je peux compter parmi mes chouchous Vernon Roche, impulsif et violent mais sympathique, la sorcière Sheala, distinguée et fière (et que j’aurais préféré avoir dans mon lit plutôt que Triss…) et Foltest bien sûr, roi versé dans la noblesse qui part à la guerre plutôt que celle qui s’enferme dans des tours à siroter le meilleur vin.
Sans oublier le grand méchant, ce fameux assassin de roi, mais en dire plus serait spoiler bêtement.
Forcément, ceux qui ont joué au jeu devinent quel parti j’ai pris : contrairement au premier Witcher où on peut rejoindre les Hommes, les Elfes ou rester dans la neutralité totale, Witcher 2 vous pousse dans les pattes de Iorverth, l’elfe qui a juré de venger ses compagnons tombés au combat, ou bien dans celles de Vernon Roche, leader du groupe des Stries Bleues, mercenaires au service de Foltest qui font régner l’ordre et frappe les non-humains belliqueux mais aussi les humains hors-la-loi. Ici, pas de demi-mesure : vous rejoignez l’un ou l’autre, et en adhérant à un camp, vous défendrez des idéaux, explorerez des décors exclusifs à votre choix, rencontrerez des personnages qui deviendront vos alliés ou vos opposants et, avec d’autres choix, vous forgerez une fin avec vos décisions.

Bien sûr qu’on joue pour l’histoire. Vous pensez à quoi ?!

Le choix est un atout très important dans Witcher 2 : vous avez même droit de vie ou de mort sur certains PNJ que vous rencontrerez et leur survie ou leur décès influencera votre parcours. S’il n’existe pas 36 000 fins différentes, vous pouvez vous faire un jeu très personnel : que ce soit en termes de relations, d’affrontements, de quêtes et même de coupe de cheveux, le joueur a le choix.
À part la romance plus ou moins imposée avec Triss, le joueur est libre. Je m’en serai bien passé, surtout avec les révélations sur Yennefer qui commencent à apparaître.
Un détail que j’ai donc beaucoup apprécié car l’histoire s’en retrouve très enrichie et pour les grands fans, recommencer le jeu est possible avec de nouvelles lignes à découvrir.


Univers riche mais graphismes très peaufinées aussi : certes, on sent que le jeu a fêté ses cinq ans mais les défauts sont pardonnés grâce à une ambiance sublime. Les couleurs, la luminosité et les éléments autonomes en arrière-plan font vivre le décor, j’ai d’ailleurs été très étonnée par toute cette perspective et cette animation. À titre d’exemple : les trébuchets en action autour du camp de guerre dans le Prologue. Entre le bruit, le tremblement et les ordres hurlés, j’ai trouvé que cet infime détail faisait toute la différence.
Le même souci du détail concernant la map n’aurait pas été de trop en revanche : Witcher 2 gagne le prix de la pire carte des RPGs. Les symboles sont peu clairs et tous n’apparaissent pas, la navigation est assez bateau et c’est assez difficile de se repérer.
Certainement le point le plus raté du jeu en fait car la carte de révèle assez inutile...


Par contre, contrairement au premier jeu, la narration est efficace et les quêtes et les informations sont bien organisées : vous raterez difficilement des quêtes dans cet opus si vous sortez vos talents d’explorateur, et vous ne les laisserez pas inachevées car cette fois, des guides vous aident à vous repérer si telle quête se termine plus tard ou si vous devez la compléter avant le chapitre suivant.
Ces chapitres permettent d’ailleurs un rythme d’histoire et ces trois séquences sont bien remplies et ne laissent pas sur la faim. C’est un jeu que je conseille toutefois aux connaisseurs : aux lecteurs ou au moins à ceux qui ont terminé le premier jeu, ainsi, les références, les clins d’œil et les révélations garderont toute leur saveur.


Malheureusement trop court mais avec un contenu bien réalisé, The Witcher 2 balaie les défauts de son prédécesseur tout en conservant cette ambiance unique qui mélange des influences de la Renaissance colorée et distinguée, légendes urbaines et créatures folkloriques et les arts martiaux qui ressortent dans les animations les plus fluides, tout ça pour régaler les yeux et le cœur.
Malgré les quelques petits défauts qui persistent, The Witcher 2 est un RPG original qui se démarque de ses confrères et fera plaisir aux fans de Geralt.


             Quelques anecdotes sur ce jeu,
• Si vous avez joué au premier Witcher comme un vrai, sachez que votre sauvegarde peut être importée dans le second opus : les choix que vous aurez fait dans la première aventure auront encore des répercussions dans cette nouvelle histoire. Si certains choix ne ressortent pas vraiment en évidence (Triss ne m’en veut visiblement pas d’avoir choisi Shani plutôt qu’elle), on sent la connexion avec la partie précédente et cette narration est très intéressante.
• Toutes les couvertures des éditions Milady, excepté celle du dernier tome sorti, utilisent des images promotionnelles du jeu Witcher 2 pour les romans de Sapkowski :


jeudi 16 juin 2016

L'Été de Cristal, de Philip Kerr,

Ancien policier, Bernie Gunther, trente-huit ans, est devenu détective privé, spécialisé dans la recherche des personnes disparues. Et on disparaît beaucoup, à Berlin, en cet été 1936 où les S.A., à la veille des Jeux Olympiques, se chargent, à leur manière, de rendre la ville « accueillante » aux touristes. C’est pourtant une autre mission que lui propose Hermann Six : ce dernier ne cherche pas sa fille, assassinée chez elle, mais des bijoux disparus. Bernie se met en chasse. Et cet été-là, l'ordre nouveau qui règne sur l’Allemagne va se révéler à lui, faisant voler en éclats le peu d’illusions qui lui restent...
Quatrième de couverture par Audiolib.
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Popularisé surtout au cinéma, le genre noir a beaucoup servi dans la littérature policière. Parmi les figures populaires, on retrouve toujours ce décor dans les rues new-yorkaises pleines de brume et de vices, les lumières artificielles qui créent des ombres chinoises et le flic (voire ex-flic) qui accumule les péchés comme le pire des criminels, traînant aussi bien dans l’alcool que dans une femme.
Les romans noirs ne m’ont jamais beaucoup fascinée malgré mon point faible pour les héros désabusés. Les clichés de la femme fatale, les courses-poursuites dans la nuit noire et les parfums de whisky m’attirent moins que les enquêteurs avec des hauts-de-forme, les victimes en corsets et le fog qui plane au-dessus de la Tamise.

Mais ici, y a un plus intéressant : le contexte des années 30 qui se concentre sur la montée du nazisme, cette angoisse qui précède l’ascension d’Hitler et la pression de la guerre prête à éclater, toute cette période historique où les disparitions étaient nombreuses et où les corruptions et trahisons circulaient, la nature humaine étant à son stade le plus vil pour mieux survivre.
Forcément, la fameuse Trilogie Berlinoise de Philip Kerr, auteur écossais qui manie aussi la plume pour les enfants, possédait d’autres atouts.

Portrait de l’auteur.

Le premier grand point positif, c’est que Philip Kerr exploite très bien ce contexte historique : on bascule même dans la période avant la Seconde Guerre Mondiale et les lecteurs néophytes comme moi pourraient apprendre bien des choses (même des mots allemands) concernant cette décennie qu’on ignore un peu trop souvent.
À l’instar des romans qui se passent pendant la guerre, L’Été de Cristal possède cette ambiance oppressante et capable d’émouvoir à cause de sa réalité : les disparitions, les exécutions secrètes… Si le roman de Kerr est fictif et (la majorité de) ses personnages aussi, les drames de ces années sont bien réels et le lecteur s’en retrouve vite ému.
Petit détail en plus : l’histoire se déroule en Allemagne. En 1936, les allemands sont les "seuls" et "premiers" à souffrir de ce nazisme qui gagne de plus en plus d’adeptes : si les échos dans les pays étrangers font froid dans le dos, les berlinois et leurs compatriotes sont les premiers à assister à cette naissance et le choix de l’année et du pays est donc une excellente idée.

Cette fameuse photo de 1936 où une personne ne fait pas le salut nazi avec le reste de la foule.

Ce support historique fait que j’ai eu de nombreux petits pincements au cœur : certes, Bernhard Gunther (Bernie pour les intimes) n’est pas devenu mon enquêteur favori et je le trouve un peu trop emprisonné dans l’image du détective privé cynique, mais les rencontres et les destins de chacun sont pour le moins pimentés et certains drames retournent l’estomac.
Petite mention pour la demoiselle Inge d’ailleurs, personnage classique dans son genre mais efficace, je m’y suis attachée à mon grand dam.

Quant à l’enquête, elle est sympathique et intrigante : les fausses-pistes sont nombreuses, les suspects sont à la pelle et la fin est habilement amenée avec beaucoup de noirceur. Et bizarrement, malgré tout le côté sombre et sale que sert Philip Kerr, l’auteur est doué pour adopter un ton humoristique et les dialogues claquent, j’ai souri plus d’une fois.

En conclusion, un très bon roman noir avec un style désabusé qui correspond au protagoniste. De plus, la voix de Julien Chatelet donne une âme à Bernie et le ton est bien donné grâce à cette narration très bien choisie.
Je ne finirai peut-être pas la série car ce n’est pas pour autant mon genre, mais pour les amateurs d’Histoire et curieux d’enquêtes glauques, ce roman noir pourrait plaire !


             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Le titre original est March Violet, un titre qui est plus adéquat quand on pense à l’anecdote qu’il y a derrière : les Violettes de Mars font référence aux fleurs violettes qui fleurissent en grand nombre en Mars… comme les cartes des adhérents au parti nazi : quand les allemands ont constaté que le mouvement gagnait de l’ampleur, beaucoup ont pris leur carte in extremis et étaient vus comme des "arrivistes". Un peu à la mode hipster, c’était bien en 1936 de dire « j’avais ma carte du parti nazi avant tout le monde ». En allemand, ce petit surnom moqueur est Märzveilchen.
La Trilogie Berlinoise est une intégrale qui réunit L’Été de Cristal, La Pâle Figure et Un Requiem Allemand, mais les aventures de Bernhard Gunther ne s’arrêtent pas là et continuent sur sept autres tomes, avec un huitième tout neuf qui vient de sortir.