jeudi 31 mars 2016

Les Fiancés de l’Hiver, de Christelle Dabos,

Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l’Arche d'Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. À quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel.
Quatrième de couverture par Gallimard.
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« Clouée sur place, Ophélie était incapable de bouger. Il était là. L’homme qui était sur le point de déstructurer sa vie était là. Elle ne voulait ni le voir ni lui parler.
[…] Enivrée de bruits et de pluie, à demi consciente, Ophélie passa de visage en visage jusqu’à tomber sur le poitrail d’un ours polaire. Hébétée, elle ne réagit pas quand l’ours marmonna un « bonsoir » glacé, tout là-haut, loin au-dessus de sa tête.
— Les présentations sont faites ! s’époumona sa mère au milieu des applaudissements polis. À vos fiacres ! Il ne s’agit pas non plus d’attraper la mort. »
P. 61

Dur de sauter de blog littéraire en blog littéraire comme Ophélie de miroir en miroir sans apercevoir la couverture bleu givré du premier tome de La Passe-Miroir. Et bah paf : désormais, quand vous passerez dans mon domaine, vous verrez aussi ce château ambulant monochrome enroulé dans sa banderole avec le titre et le nom de l’auteur qui m’a emportée dans son monde.
Ce n’est pas que je veux participer au harcèlement, mais je tiens à apporter ma pierre à l’édifice qui encense Christelle Dabos car effectivement, Les Fiancés de l’Hiver est un très, très bon livre.

Après une ou deux mauvaises surprises concernant ma lecture (il s’agissait d’un emprunt à la bibliothèque, je sais maintenant que je vais aller carrément les acheter), j’ai réussi à plonger dans l’histoire. Première mise en garde : je m’imaginais du Fantasy avec des princesses et des dragons, toutefois La Passe-Miroir verse plutôt dans le steampunk féerique : moins de vapeur, plus de magie, mais les corsets et le tea time sont au rendez-vous. Seconde mise en garde : je ne classe pas trop vite le livre en jeunesse car il s’approche plus du Young Adult, du Young Adult mature même. Les détails ne sont pas brutaux et le contexte reste relativement doux, toutefois, les aventures d’Ophélie embarquée par Thorn s’adressent à un public plus âgé que celui de Darkwind par exemple.
Là, j’ai pu plonger pleinement dans le monde de Dabos et j’ai été totalement conquise.

La première preuve est qu’il y a longtemps que je ne me suis pas montrée aussi curieuse concernant la relation ambiguë entre deux protagonistes : ce qui lie Ophélie et Thorn fait penser à Catherine et Heathcliff ou Jane Eyre et Rochester. Je ne suis pas fan des relations construites sur la méfiance, le conflit, la haine même, mais quand la recette marche, il n’y a rien à redire et je surveille attentivement chaque signe entre les deux frigides de La Passe-Miroir comme je surveillais chaque sous-entendu de Rochester adressé à Jane ou chaque sourire que Yennefer peut accorder à Geralt.
Les autres personnages semblent posséder aussi beaucoup de charisme, malheureusement, étant cantonnée au premier tome et les secrets étant encore bien ficelés, l’honnêteté n’est pas au rendez-vous et je ne peux pas encore me prononcer sur la galerie autour… Sauf concernant la grand-mère de Thorn qui réserve des surprises. De bonnes surprises.

Des portraits que l’on peut trouver sur le site officiel.
C’est là le second point qui a réussi à me convaincre : l’intrigue est admirablement bien menée. Les mensonges sont partout et chacun poursuit des objectifs personnels, des buts privés. Difficile de percer à travers ces masques et les lecteurs devront se montrer patients, d’autant plus que des réponses ne seront pas apportées dans ce premier tome.
Les retournements de situation sont efficaces, la trame suit un rythme agréable et le monde, original, dresse un cadre unique.

Le style est très agréable, bien que si je devais reprocher une chose, ce serait au niveau des répétitions (j’ai surtout été marquée par les nombreux « grignotements des gants d’Ophélie », je ne sais pas pourquoi, cette phrase m’a marquée)  mais c’est peut-être vraiment le seul point que j’ai relevé sans être gênée : l’avancement est fluide, clair et conviendra aussi bien aux jeunes lecteurs qu’aux bons rats de bibliothèque mordus de Balzac.

Et enfin, certainement mon portrait préféré d'Ophélie signé Kiramizuno.

Ce premier tome de La Passe-Miroir, lu dans le cadre du Baby Challenge Fantasy et que j’ai repoussé longtemps, est donc une réussite totale auprès de moi : les personnages captent l’attention, leurs mystères attirent et le monde est assez intriguant pour que le lecteur veuille gratter tout le vernis qui recouvre cette féerie.
Ma seule question est maintenant de savoir où Christine Dabos va entraîner ses lecteurs. Une seule chose est certaine : j’ai hâte de savoir ce que les autres tomes réserveront.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• L’histoire de la publication des Fiancés de l’Hiver est suffisamment intéressante pour être mentionnée, mais au lieu d’un discours, je vous transmets ce qu’on trouve à la première page :
« Au printemps 2012, Gallimars Jeunesse, RTL et Télérame ont lancé un grand concours ouvert à tous ceux qui rêvent d’écrire pour la jeunesse. Parmi les 1 362 textes reçus, un jury composé d’éditeurs, d’auteurs, de journalistes, de libraires et du public a désigné le gagnant en Juin 2013. C’est ce livre que vous avez aujourd’hui entre les mains. »
(ou pas si vous ne le possédez pas, mwah)
• Bien que l’histoire ne se passe pas dans notre monde, j’ai raccroché l’étiquette Historique : Belle Époque selon les dires de Christelle Dabos : « La Passe-miroir est une série littéraire qui mélange Fantasy et Belle Époque. » (depuis le site officiel). Évidemment, ne vous attendez pas à croiser Georges Méliès, mais ça donne une idée du contexte qui n’est pas médiéval mais plutôt Belle Époque.

Le Secret de l'Épouvanteur, de Joseph Delaney,

« L’hiver va être long et rude, mon fils. Tous les signes l’annoncent. Les hirondelles se sont envolées vers le sud presque un mois plus tôt qu’à l’accoutumé, et les premières gelées sont survenues alors que mes rosiers étaient encore en fleur. Je n’avais jamais vu ça. Ce sera une période éprouvante ; aucun de nous n’en sortira indemne. Aussi, ne quitte jamais ton maître. Il est ton seul véritable ami. Vous devrez vous soutenir l’un l’autre. » 
Alors que le froid se fait plus vif, l’Épouvanteur reçoit un message qui semble grandement le perturber. Il décide aussitôt de quitter Chipenden pour se rendre dans sa maison d’hiver, à Anglezarke. La vieille demeure est lugubre ; dans les profondeurs obscures de ses caves sont enfermés des sorcières et des gobelins. Quant au mystérieux auteur de la lettre, qui rôde dans les parages, il se révèle être l’ennemi juré de John Gregory. Au cours des longs mois d’hiver, Tom découvre peu à peu le passé de son maître. L’Épouvanteur doit-il payer le prix de ses erreurs de jeunesse ? Lorsque certains secrets, qu’il a toujours dissimulés, seront finalement dévoilés, Tom va se trouver en grand danger…
Quatrième de couverture par Bayard Jeunesse.
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Quand j’ai lu le second tome de l’Épouvanteur, j’ai eu peur. Pas à cause de l’histoire, mais à cause de ma déception : la saga partait si bien avec son premier roman riche en noirceur halloweenesque que j’avais concentré beaucoup d’espoir dans la suite... pour finir avec un sentiment très mitigé.
Forcément, j’ai commencé Le Secret de l’Épouvanteur un peu à reculons. Puis, en fin de compte, Joseph Delaney a réussi à me reconquérir !


J’ai un petit faible : c’est lorsqu’un auteur, qui utilise un monde où les monstres existent, aborde le côté sombre d’un être humain, alors l’homme devient aussi dangereux qu’une goule ou un zombie. Le concept d’homo homini lupus marche à chaque fois avec moi comme le prouvent Le Dernier Vœu et Un Vampire Ordinaire, et par bonheur, Le Secret de l’Épouvanteur a fait ses preuves aussi.
L’antagoniste, Morgan, est très intéressant même dans un livre pour enfants : il apporte une dose de frissons et d’horreur qui se démarque de celle apportée par les sorcières et les gobelins. Si le style jeunesse pose des limites, Joseph Delaney explore pleinement chaque facette et respecte le contexte : un joli exercice très bien mené donc, d’autant plus que la dimension surnaturelle reste présente, elle n’est pas oubliée pour autant.

Le fait d’introduire un peu d’homo homini lupus apporte une dimension humaine, très humaine. Mais la sensibilité ne se trouve pas uniquement du côté de l’intrigue de Morgan : le lecteur en apprend plus sur l’Épouvanteur Gregory et sa vie privée tout comme il a droit aux premières révélations concernant les parents de Tom. Sa mère occupe une place encore importante dans cette partie et je ne me lasse toujours pas de ce personnage.
Chaque révélation, chaque réponse a du sens et même si les secrets étaient mal gardés pour certains lecteurs, la vérité une fois déballée fait plaisir et reste prenante.

Quant à la plume, ou plutôt à la traduction, elle reste toujours aussi agréable avec ses dialogues rythmés, les moments de suspens gérés et un vocabulaire finement choisi pour installer une ambiance brumeuse et glaciale.

Un tome que je mettrais au-dessus des deux premiers. Oui, oui, même le premier que j’avais déjà pleinement adoré ! Les personnages prennent un relief saisissant, même les secondaires, les thèmes sont poignants et éveillent une sensibilité tout en nous plongeant dans un hiver mortifère. Une très bonne lecture pour cette troisième aventure de l’Épouvanteur et de son apprenti !

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,

jeudi 17 mars 2016

There's poop in my soup,

Have you ever wanted to poop on people but were too shy to just go for it? There's poop in my soup lets you do just that, poop in soups, poop on people, poop on poodles, poop anywhere you please, from the streets of New York to Paris to Beijing. Poop on everybody.
Résumé par Steam.

Faire caca.
Résumé du Vampire Aigri.
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Ce jeu est fait pour vous si vous voulez balancer du caca.


Bon, l’intrigue est pas extraordinaire hein, mais en même temps, vous, ce que vous vouliez, c’était juste lancer du caca…

Les graphismes sont très corrects par contre ! Le joueur voyage un peu, ce qui est agréable. Mais enfin, ce n’est qu’un détail, dans le fond, vous demandez surtout à pouvoir balancer du caca.
Niveau gameplay, le clavier passe de l’azerty au qwerty donc le coup de main est dur à prendre, un chouilla chiant mais ça vaut le coup si vous, ce que vous aimez, c’est balancer du caca.

Donc un bon jeu parce que bon, dans le fond, ce qu’on lui demande, c’est de pouvoir balancer du caca après une journée crevante.



             Quelques anecdotes sur ce jeu,
• RAS. Mais il faut vérifier si les bruits de pets sont des vrais de l’artisanat ou de la vulgaire production informatique.

samedi 12 mars 2016

Mordred, de Justine Niogret,

"Oyez la sinistre et triste histoire de Mordred, le chevalier renégat."
La légende veut que Mordred, fruit des amours incestueux d’Arthur et de sa sœur Morgause, soit un traître, un fou, un assassin. Mais ce qu’on appelle trahison ne serait-il pas un sacrifice ?
Alité après une terrible blessure reçue lors d’une joute, Mordred rêve nuit après nuit pour échapper à la douleur. Il rêve de la douceur de son enfance enfuie, du fracas de ses premiers combats, de sa solitude au sein des chevaliers. Et de ses nombreuses heures passées auprès d’Arthur, du difficile apprentissage de son métier des armes et de l’amour filial. Jusqu’à ce que le guérisseur parvienne à le soigner de ses maux, et qu’il puisse enfin accomplir son destin.
Quatrième de couverture par Mnémos.
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La célèbre illustration qui oppose Mordred à Arthur...
Oui bah non, retirez cette image de votre tête. Le mythe de Mordred est dépoussiéré.

Légendes arthuriennes, dit-on. Le grand et bon roi Arthur chante-t-on sur un air du roi Dagobert.
Mais si Arthur n’a pas sa culotte à l’envers, son rôle l’est : n’avez-vous jamais été frustré de le voir si peu présent dans les romans de Troyes ? Si lisse, si effacé et si fade ? Voire même cliché ?
Par chance, les romans plus modernes font reculer de leur plume le torturé Lancelot, le preux Perceval et le noble Gauvain pour s’intéresser à la source de cette immense Table Ronde : le roi Arthur. Le roi, mais aussi tout simplement l’homme.
Justine Niogret fait même plus en prenant pour narrateur de ce roman un chevalier bien mal aimé dans cet univers : Mordred.
On laisse la pureté de Galaad et le divin de Perceval pour s’intéresser à quelque chose de plus terre à terre, quelque chose de plus humain. On se fiche du Graal ici, ce n’est pas Dieu qui compte mais les relation humaines, les liens tissés.

Je n’aime pas beaucoup lire un résumé habituellement : il révèle des passages clés de l’intrigue, des rebondissements que l’auteur avait pourtant travaillés... Mais pour Mordred, le résumé sert d’introduction et aide le lecteur à s’installer dans ce roman, ce qui est primordial : tout comme Mordred, le lecteur nage en plein brouillard, entre le rêve et le réveil, le passé et le présent, le réel et les hallucinations.
De plus, la plume de Justine Niogret, bien que très poétique et admirablement travaillée, n’aide pas à la compréhension : il y a de ces phrases au sens ambigu et il faut accepter de ne pas pouvoir les comprendre. Mais cela ne retire rien à la beauté de certains passages. Un peu comme lorsqu’une indienne vous fait une chorégraphie endiablée d’odissi : c’est très beau, c’est même émouvant… mais impossible de comprendre comment fonctionne son corps et ce qu’elle exprime exactement.
La clarté n’a pas de place ici et les sentiments de l’auteure sont personnels, tout comme ceux du lecteur et son interprétation donne un nouveau souffle à Mordred.

J’avoue que j’avais peur de ce court roman : ma rencontre avec Chien du Heaume il y a quelque temps m’avait un peu laissée froide et je craignais de finir sur un sentiment d’inachevé ou de creux…
Déjà, en moins de 200 pages, Justine Niogret ne commet pas l’impair de faire un catalogue des chevaliers arthuriens : seuls les acteurs essentiels ont leur place sur scène, c’est-à-dire Mordred, Arthur, Morgause et l’étrange Porîk.
Ah oui, et les chevaux et un mire cynique que j’ai bien aimé. Sans oublier un serpent aussi.
On s’écarte des réunions avec un Mordred "adolescent" en quête d’un concept inconnu, à la découverte d’un monde trop connu mais qui a ici une nouvelle dimension. Lire Mordred ne donne pas l’impression de reconnaître un autre livre du thème, et pourtant, les plus néophytes seront perdus : pas pour les références, il n’y en a quasiment pas, mais pour l’intérêt de voir un Mordred jeune et "inoffensif", tout comme de voir un Arthur en simple homme.
J’ai aimé ces personnages mais j’ai surtout aimé leurs relations et plonger dans les souvenirs de Mordred aide à la familiarité.

Justine Niogret dresse donc un portrait de ce méchant et ténébreux Mordred très personnel, sortant des clichés et de l’interprétation facile. Quand on ouvre Mordred, on s’attend à des empoisonnements, des viols, de la boucherie, un tout façon Borgia à Camelot et pourtant, une ambiance celtique accueillera plutôt le lecteur dans des forêts humides où la pluie est courante, la magie timide et les hommes plein de doutes, de remords et de souhaits.
Un doux roman plein de poésie que je ne regrette pas d’avoir lu mais que je conseille aux lecteurs patients et sensibles qui ne demandent pas le mythe du chevalier courtois et valeureux.

Par contre, si quelqu’un veut me partager son interprétation sur le passage concernant les dragons intérieurs, je suis preneuse !

Cette chronique rejoint le Challenge des Légendes Arthuriennes :
J’aimerais une adaptation avec Alexandre Astier d’ailleurs.
Je sais qu’il peut jouer autre chose que le roi Arthur mais sa version a des échos avec celle de Niogret et sans regret, je l’ai imaginé durant ma lecture.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Rien à ce jour~
• Mais seulement pour l’instant.
• Nous verrons.