lundi 19 mai 2014

Trahisons et Faux-semblants, de Ludovic Rosmorduc,

« Je me nomme Aurèle d’Angarande, je suis magicien. Autrefois, ce seul titre suffisait à entrouvrir bien des portes, à faire se courber bien des puissants. Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, plus personne ne peut s’enorgueillir d’être magicien. Moi excepté.
Je suis le dernier d’entre eux. »

Dans un monde où religieux et chevaliers se livrent une lutte sans merci pour le pouvoir, Aurèle d’Angarande s’est exilé d'Anoth au moment où la guilde en a été bannie. Ce qui ne l’empêche pas d’ouvrir l’œil sur la cité et sur ses habitants. Quand, un matin, c’est un cadavre crispé et bleui par le froid qui s’offre à sa vue, il décide de rompre le serment qu’il s’était fait et de franchir une nouvelle fois les murs de la cité fortifiée.
Quitte à mettre les pieds en enfer.
Quatrième de couverture par Baam!
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« Depuis de longues années, je me contente de classer, de répertorier les travaux de mes illustres prédécesseurs. Voilà pourquoi je suis dans l’incapacité de réussir ce sortilège. Le constat est brutal. J’ai l'impression de m’être transformé en un bibliothécaire sans pouvoir... »
P. 38

Si la Fantasy regorge de chevaliers plus ou moins preux, de créatures timides et mystérieuses, de rois égoïstes ou humbles, il faut reconnaître que les auteurs qui osent toucher pleinement aux mages sont plus minoritaires : quel écrivain peut se vanter d’avoir dépoussiéré les arts funèbres de la nécromancie, les mathématiques de l’astrologie ou l’étude de la pyromancie ?

Harry Potter a bercé mon enfance avec ses potions farfelues, ses enchantements et ses métamorphoses, mais j’étais vraiment à la recherche d’une histoire bien plus sombre, quelque chose de plus maléfique j’ai même envie de dire. Et puis je suis tombée sur la fiche de Trahisons et Faux-Semblants sur le net mais sans parvenir à le trouver en librairie. Et puis, par un heureux hasard, je l’ai déniché à la bibliothèque. Heureux hasard ? Pas tellement, j’ai quelque peu grimacé en le voyant rangé dans la section Jeunesse car j'ai immédiatement eu quelques préjugés. Je ne voulais pas d’animaux doués de parole, pas de sorcellerie kitsch à la Hocus Pocus ou de mages adolescents en quête de gloire. Je voulais une histoire sombre.
Et histoire sombre j'ai eu grâce à ce premier coup de cœur de 2014.
[ci-contre, "Atlantes the Sorcerer", par Annie Stegg, pourrait illustrer le côté magie-soft du livre et la dimension inquiétante de la sorcellerie pour ceux qui ne pratiquent plus cet art.]

J'étais pourtant toujours mitigée au début de ma lecture car la plume devait s’adapter au genre Jeunesse et n’offrait pas assez de descriptions à mon goût. Et pourtant, j’ai vite remarqué que l’ambiance habilement menée n’avait pas besoin de mots pour s’installer, voire même s’imposer et happer le lecteur dans cette histoire glaciale. En vérité, seule la plume assez simpliste correspond au genre Jeunesse car l’intrigue, les personnages et notamment la conclusion se démarquent complètement de ses semblables et sont même d’une complexité presque mature.
C’est un peu comme dire que Doctor Who est une série pour enfants, m’voyez ?
J'aborde un point qui me tient à cœur déjà : les personnages. J’accorde toujours beaucoup d’importance aux personnages et ceux de Trahisons et Faux-Semblants ne m’ont pas déçu pour une raison toute simple : il n’y a ni méchant complètement noir, ni gentil totalement blanc, chaque acteur a son propre équilibre de "gris" et peut révéler des facettes de personnalité tout au long de l’aventure.
Le "héros" en est un bel exemple d’ailleurs : Aurèle d’Angarande, dernier mage de sa guilde, ressemble aux premières pages à n’importe quel vieux sage qui préfère se consacrer à l’héritage magique qu’il laissera plutôt qu’à l'avenir d’Anoth. Le premier crime révèle cependant un côté altruiste, un courage presque fou et une ingéniosité entêtée. Un personnage donc classique dans la Fantasy. Et pourtant, plus l’histoire passe, plus le caractère d’Aurèle se dévoile de façon assez inattendue : [spoiler] ses intentions sont moins nobles qu’on le pensait car Aurèle est au fond lui aussi avide de renom. Pour déterrer la guilde des mages, il va jusqu’à produire des preuves falsifiées et s’acharne contre ses rivaux qu’il suspecte pas vraiment à juste titre, plus par intérêt personnel. Bref, un portrait soudain moins noble qu’au début. [/spoiler] J’ai beaucoup aimé le frère Méliel également car il possède lui aussi cette complexité, tout comme sœur Blanche, Gui de Longroi, le cardinal Thored et j’en passe…
Ludovic Rosmorduc n’a pas eu peur d’entacher ses personnages de quelques défauts et je l’en remercie car cela les rend bien plus intéressants. D’autant plus que c’est un pari que les auteurs n’osent pas assez souvent…

Bien sûr, des personnages de qualité, c’est une chose, mais qu’en est-il de l’histoire ? Si j’ai trouvé l’enquête un peu facile, elle reste captivante. D'autant plus qu’il fait parti de ces romans où cela ne m’a pas dérangé de trouver le coupable rapidement car [spoiler concernant l’identité du coupable] j’avais hâte de constater les répercutions. Sans cesse je me demandais comment allait réagir Aurèle en apprenant que c’était son unique ami depuis tant d’années, Alboin, qui était responsable ? La fin ne m’a pas déçu et j’ai même été émue par la triste conclusion de leur relation. [/spoiler concernant l’identité du coupable]
L’enquête est tout de même bien ficelée et, comme Sire Cédric pour L’Enfant des Cimetières, Rosmorduc n’utilise pas le surnaturel comme une excuse pour piéger le lecteur. Les énigmes suivent une logique plausible, permettant donc au lecteur de participer à l'enquête menée par Aurèle. D’autant plus que la lecture est mouvementée par de nombreuses émotions assez vives et que le récit est ponctué par certains passages efficaces qui laissent un sentiment d’effroi, des scènes qui n’auraient pas manquées de me traumatiser si je l’avais lu plus jeune !
Toujours comme Doctor Who, m'voyez encore ?

Bien que je n’ai pas accroché à la guilde des mages de Skyrim, je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer Anoth avec une construction similaire à la ville de Winterhold du jeu. Après tout, les mages de la ville sont contraints également de s’exiler et il n’y fait pas plus chaud. 
Ça peut donner une idée du décor aux curieux !

En clair, Trahisons et Faux-Semblants fut une excellente lecture et me donne envie de découvrir d’autres livres de Ludovic Rosmorduc (surtout que j’ai aperçu Les Mains de Dieu en librairie dernièrement, je n’ai aucune excuse), d’autant plus que beaucoup s’accordent à dire que Trahisons et Faux-Semblants n’est pas son meilleur livre, de quoi me rendre curieuse.
Maintenant, mon gros regret, c’est d’aller le rendre à la bibliothèque…

J’adore les vieilles Églises et les armes, mais au lieu d’opter pour l’idée n°81 du Challenge des 170 Idées, je rattache plutôt cette chronique à l’idée n°140 :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2013/11/challenge-04-le-challenge-de-170-idees.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Rien à ce jour ! J’éditerai si je dégotte quelque chose.

2 commentaires:

  1. (oui, oui, je confirme, Doctor Who c'est une série pour n'enfants! *shot*)

    Billet ma foi très alléchant mon cher vampire, ça me donne presque envie de dénicher ce livre et de le lire. La couverture est très belle en tout cas et te lire m'a donné envie de découvrir ce roman que je vais ajouter à ma PAL, au cas-où.

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    1. Même à 20 ans des passages de Doctor Who me faisaient peur ou fondre en larmes xD

      J'espère que tu seras conquise comme moi ! C'est le roman le moins "religieux" de Rosmorduc mais il a écrit dernièrement Les Mains de Dieu et je sais que tu as le même attrait que moi pour les trames religieuses ;)

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