mardi 23 avril 2013

Agnes Grey, d'Anne Brontë,

« Miss Grey était une étrange créature ; jamais elle ne flattait et elle était loin de leur faire assez de compliments ; mais, quand elle parlait d'elles ou de quoi que ce fût qui les concernât en termes élogieux, elles pouvaient avoir la certitude que sa bonne opinion était sincère.
Elle se montrait dans l'ensemble très prévenante, discrète et pacifique, mais certaines choses la mettaient hors d'elle ; certes, cela ne les gênait guère, mais pourtant mieux valait ne pas la désaccorder puisque, lorsqu'elle était de bonne humeur, elle leur parlait, était fort agréable et pouvait parfois se montrer extrêmement drôle, à sa manière, qui était bien différente de celle de Mère, mais faisait toutefois très bien l'affaire pour changer. Elle avait des opinions arrêtées sur tout, auxquelles elle restait farouchement attachée... Des opinions souvent rebutantes, puisqu'elle pensait toujours en termes de bien et de mal et avait une curieuse révérence pour ce qui touchait à la religion et un penchant incompréhensible pour les honnêtes gens. »
Quatrième de couverture par L’Imaginaire Gallimard
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« Oui, cela au moins elles ne parviendraient pas à me l’enlever ; je pouvais penser à lui nuit et jour, et sentir qu’il méritait qu’on pensât à lui. Personne ne le connaissait comme je le connaissais, personne ne pourrait le priser comme je le prisais, l’aime comme… je l’aimerais, si j’en avais le droit. »
P. 223

Ceux qui ont fouillé dans les premières chroniques de mon blog (ou mes Top Ten Tuesday) savent que, malgré ma réticence pour tout ce qui est romance mielleuse, collante et écrasante, j’ai eu deux vrais coups de cœur pour Jane Eyre de Charlotte Brontë et Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë.
Il était donc temps que j’attaque les ouvrages d’Anne Brontë, la dernière sœur du fameux trio qui aura tant apporté à la littérature anglaise. Mais avant de donner mon avis sur cette première approche avec l’auteure, je tiens à préciser que je ne comparerai pas Agnes Grey aux deux bouquins phares qui ont fait la réputation des deux autres Brontë. Car il est vrai que j’ai moins aimé Agnes Grey mais mon jugement porte sur son contenu et non à celui de Jane Eyre ou Les Hauts de Hurlevent. Je rajoute au passage que j’ai tout simplement horreur des personnes qui comparent Anne Brontë à ses deux sœurs ou pire, à Jane Austen. Comme si la pauvre femme avait besoin de pilier littéraire pour pouvoir écrire…

J’en reviens donc à Agnes Grey et exclusivement à Agnes Grey.
Il s’agit de ma première approche avec Anne Brontë et bien que j’ai reçu pour Noël dernier La Dame du manoir de Wildfell Hall qui est un pavé un peu plus impressionnant, je voulais commencer ma découverte doucement. Léger et très axé sur les pensées, Agnes Grey n’est donc pas un roman avec des rebondissements étourdissants et des coups de théâtre dramatiques : on s’attendrait presque à une réelle autobiographie tranquille où l’auteure s’appuie davantage sur la moralité que le romanesque. Pas de coup en traître cependant, Agnes Grey (ou Anne Brontë, au choix) précise bien qu’il s’agit d’un récit destiné à enseigner, désirant avant tout partager son expérience. On assiste alors aux conditions du métier de gouvernante avec surtout ses désavantages que ses avantages. Si on ne peut pas vraiment traiter Anges Grey d’ingrate (tout de même), il est pourtant difficile de ressentir de la compassion à cause de la brièveté du récit. Certes, j’ai eu le cœur serré à imaginer une pauvre jeune fille d’à peine vingt ans qui découvre le monde et s’évertue, sans résultats, à influencer ses élèves pour qu’ils aient un comportement meilleur, plus noble. Mais je n’ai eu le cœur serré que pendant quelques secondes, pas plus : pas de sentiment de malaise pour la jeune Agnes Grey ou de compassion puisque la plume d’Anne Brontë est presque chirurgicale. Les pensées sont profondes, c’est vrai, mais pour ce qui est de l’émotion, le personnage se montre nettement plus modeste et pudique.

Parce que mon édition est très moche, la couverture d'Archi Poche a, par chance, un peu plus de charisme.

Malheureusement (ou heureusement dans mon cas ?), ce côté un peu expéditif se répète pour la romance : simple et linéaire, on assiste pas à des crises de larmes passionnés et des déclarations romantiques hurlées sous les fenêtres. L’amour de la vie d’Agnes Grey est quelqu’un de bon, généreux, doux et presque beau, parfait et tout désigné pour filer un amour tranquille et parfait.
Autre détail assez gênant dans le même genre : la conclusion de ce flirt innocent. L’histoire se finit brutalement et je n’ai pas eu le temps de féliciter les personnages, constatant que le récit était bien terminé. Forcément, on sent qu’Agnes Grey tait beaucoup de détails (je ne parle pas de scènes de cul, promis) et certains lecteurs sont sûrement restés sur leur faim.

Portrait-sketchy-sketchy de l'auteure

Cela dit, après cette liste de reproches qui peuvent sembler froids et méchants, Agnes Grey est pourtant un petit livre que j’ai apprécié. Grâce avant tout et surtout au personnage d’Agnes Grey que j’ai trouvé touchant bien qu’à certains moments assez agaçante. Je parle par exemple de son comportement vis-à-vis de Weston qui n’est pas très éloigné de celui de son élève Rosalie envers ses prétendants : ce détachement, voire cette façon de repousser l’homme qu’elle « apprécie » (*if you know what I mean*), etc. Du point de vu du lecteur il y a une comparaison intéressante à faire entre Agnes et Rosalie, car bien qu’opposées, quelque chose fait qu’elles se ressemblent dans l’attitude amoureuse.
Enfin, c’est ainsi que je l’ai perçu. Et même si c’est faux, je m’en fiche, c’est le détail que j’ai le plus aimé du livre.

Agnes Grey étant le premier roman d’Anne Brontë (que je lis et qu’elle a écrit), je garde à l’esprit qu’il s’agit d’un récit de qualité pour une première œuvre. Je ne suis pas du tout découragée pour lire La Dame du manoir de Wildfell Hall bien que j’espère que ce second roman me plaira davantage.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Publié en 1847 en même temps que les œuvres de ses deux sœurs, Anne Brontë a usé du pseudonyme masculin Acton Bell pour pouvoir présenter son roman.

(Je veux pas contribuer à la pauvreté des maisons d'édition, mais sachez que Agnes Grey est disponible gratuitement sur le net maintenant, et ce n'est pas considéré comme du téléchargement illégal)

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