vendredi 1 mars 2013

Le Tour d'Écrou, d'Henry James,

Le narrateur assiste à la lecture du journal d'une gouvernante. La jeune femme a été engagée par un riche célibataire pour veiller sur ses neveu et nièce, Flora et Miles. Orphelins, ceux-ci vivent dans une vaste propriété isolée à la campagne. Le comportement des enfants semble de plus en plus étrange à la jeune gouvernante. Elle se rend compte, peu à peu, d'effrayantes apparitions, dont celle d'un homme, un ancien serviteur, Peter Quint, qui entretenait une liaison avec la précédente gouvernante, miss Jessel. Les deux sont morts peu avant l'arrivée de la nouvelle gouvernante, mais ils semblent toujours exercer sur les enfants une attirance maléfique. La nouvelle gouvernante essaye de les en détourner.
Quatrième de couverture par Wikipédia.
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Chaque fois que je repioche ce livre dans ma bibliothèque, je repense à ce que le vendeur de Gibert Joseph m’a dit « J’ai un excellent souvenir de ce livre et si vous aimez les histoires d’horreur, vous serez servie » et pour une fois qu’un libraire ne me fait pas de publicité mensongère !

Déjà, les habitués de mes lectures comprendront mon choix pour ce titre : classique victorien et thème horreur, mettez-moi un grand guitariste avec une bonne barbe et des tatouages dans mon lit, j’arriverais plus à résister. Ou pas, en fait. Quoiqu’il en soit, le style d’écriture est une preuve à elle-même que l’œuvre date de 1898 : loin d’être un King ou un Kirkman, se rapprochant plus d’un Poe car l’action ne prédomine pas dans Le Tour d’Écrou et se concentre plus sur la psychologie et des descriptions visuelles très fugaces, de quoi perturber le lecteur dans le bon sens du terme.
Comme le bouquin est très porté sur les pensées, les personnalités, Henry James dépeint des personnages précis tout en restant réservé : j’ai aimé détester cette héroïne, cette narratrice dans son imperfection, son caractère narcissique et son autorité désabusée. Elle fait réelle avec ce côté romantique dissimulée sous son sérieux, faisant d’elle une vraie Jane Eyre prétentieuse mais aussi rêveuse, la rendant hystérique dans le sens propre du terme. Il y a aussi les enfants qui sont excellents et je pense que Le Livre de Poche n’aurait pas pu trouver de meilleur couverture que le tableau Portrait d’Edouard et de Marie-Louise Pailleron par John Singer Sargent, bien qu’ils sont bruns ici. Et bien sûr, les fantômes où toute leur magie est dans leurs apparitions travaillées, leur présence incertaine.
Portrait of Edouard and  Marie-Louise Pailleron, John Singer Sargent (1881)

Mais si j’ai aimé cette conclusion un peu envolée, celle qui nous oblige à imaginer l’explication, à trancher entre le rationnel et le spirituel, j’ai regretté par contre que l’introduction ne fasse pas balance avec une conclusion en cohérence, qu’on trouve le mot fin aux élans mélancoliques de Douglas aux premières pages. Bon, cela dit, les dernières phrases, ou plutôt, la dernière phrase a eu un véritable impact sur moi et la réflexion lui donne davantage de poids encore.

En conclusion, Le Tour d’Écrou est un court roman qui devrait satisfaire tous les férus d’histoires de fantôme dans le style le plus purement gothique qui soit, un classique nécessaire à la culture horrifique et je n’ai vraiment pas regretté cette lecture qui, bien que brève, a un côté franchement unique qu’on ne peut pas oublier.
Encore aujourd’hui, j’ai des scènes qui me hantent.



J'en profite pour faire de cette chronique ma dix-septième contribution au Challenge Victorien (dans la catégorie Charles Dickens) organisé par Arieste (mille mercis à elle d'ailleurs). Si vous voulez nous rejoindre, tout est expliqué sur cet article !






             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
Le Tour d’Écrou est considéré comme un classique horrifique mais pas la première histoire de fantôme. En revanche, durant la période où Freud avait publié ses premières théories sur la sexualité, les critiques avaient ressorti Le Tour d’Écrou et s’étaient mis à parler plus librement du contexte érotique dedans. Le film de 1959 avec la magnifique Ingrid Bergman s’applique d’ailleurs sur cette ambiance lubrique et malsaine, l’époque l’y autorisant plus que l’année du livre.
• Les adaptations n’en finissent plus d’ailleurs et pour les adorateurs de Michelle Dockery, un téléfilm est sorti en 2009 signé par Tim Fywell. 

3 commentaires:

  1. J'avais passé tout mon premier semestre de la licence en Lettres Modernes à l'étudier, et j'en étais littéralement fasciné. Par son absence de conclusion et l'impossibilité pour nous de savoir si les fantômes existent réellement où si c'est juste la gouvernante qui est folle, ce récit est vraiment déstabilisant. D'ailleurs c'est dans ce brouillard qui entoure les phénomènes étranges que se tient toute la dimension fantastique de l'oeuvre; j'ai vu le film de 59 que tu évoques, et je l'ai trouvé assez fidèle au bouquin, quoiqu'un peu plus dérangeant à certains moments.

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    1. Il parait que le film de 59 est assez efficace, oui, il faudrait que je le dégote enfin, comme toi, j'ai été fascinée par ce livre et je me laisserai tenter par les deux adaptations, histoire de voir comment l’œuvre a été interprétée. Comme tu le mentionnes, il y a tant de possibilités, ça donne matière à faire même si, bien sûr, le livre reste en elle-même une perle unique !
      Merci d'être passé =)

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    2. Je pense que le plus dur pour l'adaptation est de ne pas prendre parti, comme le fait Henry James. Parce que si le réalisateur pense par exemple que la gouvernant est folle et par conséquent que les fantômes ne sont que le fruit de son imagination débordante, il va tout mettre en oeuvre pour amener le spectateur à penser la même chose que lui, ce qui abîmerait le récit!
      De rien, c'est normal! =)

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